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2.6. La rentabilité des moulins et l'utilisation des bénéfices

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La plupart des programmes s'attendent à ce que le fonctionnement des moulins dégage des bénéfices. En général, l'on s'attend à ce que le montant des bénéfices soit assez important pour permettre, d'une part le remboursement des échéances (s'il s'agit d'un prêt) ou l'amortissement des équipements (en cas de don) et, d'autre part, le financement d'autres activités de développement dont les femmes seraient les bénéficiaires.

Quelle que soit la nature du programme d'installation de moulins, deux hypothèses semblent être sous-entendues ici: d'une part la notion de rentabilité économique des équipements, d'autre part la conviction que les bénéfices résultant du fonctionnement des moulins sont utilisés au profit des femmes.

Quels enseignements peuvent-ils être tirés des expériences de terrains?

2.6.1. La rentabilité des moulins

Les données existantes, pour si fragmentaires qu'elles soient, semblent indiquer sans ambiguïté que la plupart des moulins villageois ne sont pas économiquement rentables.

En effet, même en cas de gestion rigoureuse, bien que le fonctionnement des moulins arrive à dégager des bénéfices, dans la plupart des cas, ceuxci ne sont pas assez importants pour couvrir l'amortissement ou le remboursement) de l'investissement initial dans les délais prévus, encore moins pour dégager des bénéfices supplémentaires. En termes économiques, dans la plupart des cas, même si le cash-flow résultant du fonctionnement des moulins est positif, son montant n'est pas important; les résultats nets de l'exploitation par contre sont négatifs.

Quelles seraient les raisons de la non-rentabilité des moulins?

Le manque de rentabilité des moulins peut être engendré par des raisons conjoncturelles ainsi que des raisons quasi structurelles. Du fait de la sécheresse prolongée qui a sévi ces derniers temps en Afrique en général, et au Sahel en particulier, l'on peut observer un ralentissement, parfois notable, du fonctionnement de presque toutes les unités de mouture installées dans les régions sahéliennes (cf. section 2.6.2. ci-après). Bien que la périodicité et la durée des sécheresses que la plupart des régions sahéliennes ont éprouvées semblent suggérer une révision vers la hausse du seuil minimum de la taille des villages d'implantation des moulins, il s'agit tout de même de phénomènes que l'on espère temporaires. Il s'agit ici par contre d'analyser les raisons quasi structurelles de la non-rentabilité des équipements.

Ces raisons sont multiples:

i) des erreurs dans le choix des villages d'implantation, erreurs causées par un manque de critères de choix adaptés aux zones d'intervention ou par la non-application des critères établis, ainsi que par la méconnaissance des facteurs humains et sociaux du milieu d'installation des moulins;

ii) des coûts de fonctionnement très élevés par rapport aux normes; plusieurs facteurs peuvent engendrer cela:

- un manque de formation adéquate des meuniers ou la négligence de ceux-ci sont le plus souvent à l'origine de pannes fréquentes et coûteuses;

- une mauvaise installation des unités de mouture;

- une mauvaise organisation du travail de mouture (démarrages arrêts répétés) qui engendre des coûts de fonctionnement excessifs: ainsi au Burkina Faso des enquêtes menées sur un échantillon de moulins villageois ont démontré que les coûts de fonctionnement peuvent augmenter jusqu'à 40 pour cent, seulement à cause des arrêts et des démarrages répétés;

- la non-identification préalable de mécaniciens-réparateurs locaux (et leur recyclage si nécessaire) avec lesquels les comités de gestion pourraient passer des contrats de service est aussi une cause, et pas des moindres, de coûts de fonctionnement élevés;

- la non-constitution de stocks de pièces de rechange: la fréquence accrue de pénuries de pièces de rechange dans certains pays, dues, entre autres, au manque de devises que plusieurs pays éprouvent, peut à elle seule provoquer, soit des coûts de fonctionnement extrêmement élevés (doubles ou triples), soit des arrêts prolongés des équipements.

iii) les défaillances dans la mise en place d'un système de gestion collective rigoureuse qui soit à même de permettre un contrôle systématique des investissements et des dépenses et les détournements fréquents de la part des meuniers ou de quelques individus, qui s'en suivent presque inévitablement, sont aussi un facteur de taille de la non-rentabilité des équipements.

iv) l'absence d'études de rentabilité préalables, ou encore le manque de réalisme de celles-ci; en effet dans les rares programmes où les études de rentabilité sont établies, elles sont basées sur des hypothèses fallacieuses: d'une part elles se fient aux normes de fonctionnement signalées par les constructeurs, alors que celle-ci sont bien en deçà des réalités de terrain, d'autre part elles présupposent le recours à la mouture mécanique par toutes les femmes d'un village donné, tandis que, comme on l'a vu ci-dessus, seule une infime minorité de femmes y a régulièrement accès.

2.6.2. L'utilisation des bénéfices

Du fait du manque de rentabilité de la plupart des moulins, la question de l'utilisation des bénéfices se pose presque exclusivement pour les moulins octroyés à titre de don, car dans les cas de prêts, les bénéfices n'arrivent pas à couvrir les remboursements des échéances dans les délais prévus.

Les expériences de terrain semblent indiquer que dans la majorité des cas les bénéfices dégagés par le fonctionnement des moulins ne sont guère utilisés au profit des femmes. En fait il est très rare que les femmes exercent un véritable contrôle des bénéfices et qu'elles en disposent pour entamer des activités lucratives à titre individuel ou collectif.

Eu égard à la pratique, courante en milieu rural, du gardiennage des liquidités par les hommes (les femmes craignant les vols), celles-ci, quand elles ne sont pas simplement détournées par le caissier, sont utilisées pour des prêts individuels à des hommes (le plus souvent les notables du village). Les bénéfices sont tout au plus utilisés pour des prêts collectifs: I' achat d'un boeuf pour une école rurale dans un village, ou bien le récurage d'un puits.

D'autres alternatives existent cependant, elles révèlent que les femmes peuvent profiter, individuellement ou collectivement, des bénéfices dégagés par le fonctionnement des moulins, pourvu qu'il v ait une volonté explicitement affirmée et des modalités bien définies dès le début d'un programme.

Ainsi, à Mené, dans la région de Ouahigouya au Burkina Faso, une partie des bénéfices avait été consacrée à des prêts individuels avec intérêts aux femmes pour une période déterminée, pour qu'elles pratiquent l'embouche ovine, les prêts étant octroyés à tour de rôle. A Banibangou au Niger, une partie des bénéfices du moulin avait été destinée au préfinancement de l'achat de tubercules de pomme de terre pour la revente aux femmes qui pratiquaient cette culture.

Ces rares cas témoignent de l'intérêt d'établir, dès le début d'un programme, les modalités précises pour l'utilisation d'une partie des bénéfices pour des actions de développement au profit des femmes et d'entamer une réflexion avec celles-ci pour rechercher ensemble la façon la plus judicieuse et la plus équitable de leur destination.

2.7. Les enseignements et les alternatives

Quels enseignements peut-on tirer de l'analyse que l'on vient de mener?

La réussite d'un programme d'installation de moulins villageois en milieu sahélien - réussite qui peut se jauger par l'atteinte des objectifs fixés par ce programme - est entravée par plusieurs facteurs. Ainsi, les maigres ressources financières des femmes, le manque de céréales, les pratiques culturales prédominantes dans certaines régions, un manque d'adaptation des technologies adoptées, ainsi que les très faibles densités de population de plusieurs zones d'intervention sont autant d'obstacles à une utilisation accrue des moulins de la part des femmes rurales. Du coup le nombre de femmes qui bénéficient régulièrement des services d'un moulin se trouve considérablement réduit.

En outre, la gestion des moulins par les femmes rencontre d'énormes difficultés pour se mettre en place; ces difficultés sont liées à la fois au statut de la femme dans la plupart des pays sahéliens, au bas niveau d'éducation et d'alphabétisation des femmes rurales de ces pays mais aussi à un manque de formation adéquate, ou à un manque d'adaptation des méthodes de formation utilisées par plusieurs programmes d'installation des moulins. De ce fait, la rentabilité de la plupart des équipements installés est sérieusement entravée; outre les facteurs que l'on vient d'énumérer, les coûts très élevés que le fonctionnement de ces machines engendre sont à l'origine de la nonrentabilité de la plupart des moulins.

Enfin, les marges bénéficiaires dégagées par les moulins ne sont que très rarement utilisées au profit des femmes, parce que très souvent les modalités d'utilisation des bénéfices ne sont pas explicitées dès le début, ou encore par manque d'intérêt et de suivi de la part de l'encadrement aux véritables problèmes des femmes.

Les limites et les contraintes que l'on vient d'énumérer ne sont cependant pas insurmontables. Elles peuvent en effet être contournées par l'adoption d'un autre genre de démarche dans la préparation et la mise en oeuvre d'un programme d'installation de moulins, notamment une démarche qui soit à la fois souple, attentive aux réalités du terrain et capable de s'adapter aux spécificités du milieu d'intervention.

A ce titre, un choix judicieux des villages d'implantation des moulins, des équipements adaptés aux réalités du milieu d'intervention, l'adoption d'une série de mesures préalables d'accompagnement et de suivi aptes à assurer la réussite d'une "opération moulin", l'établissement de modalités de financement souples et adaptées aux spécificités du milieu d'intervention, des actions concomitantes visant à accroître les revenus des femmes et qui prendraient en compte les potæntialités différenciées du milieu, ainsi que l'établissement, en collaboration avec les intéressées, des modalités d'utilisation des marges bénéficiaires dégagées par le moulin au profit des femmes sont autant de facteurs qui peuvent aider à contourner les limites et à faire disparaître les contraintes des programmes actuels d'installation des moulins.


III. Les criteres de choix des villages d'implantation des unites

Dans l'optique d'un développement auto-entretenu, un choix judicieux des villages d'implantation d'un moulin semble indispensable eu égard à la nécessité de rentabiliser les équipements. En fait, que l'investissement initial soit un prêt ou un don, le fonctionnement, I' entretien et le remplacement des équipements sont à la charge des communautés bénéficiaires. Des investissements qui se révéleraient non rentables-ne seraient qu'une charge supplémentaire pour les communautés bénéficiaires et pourraient s'avérer un leurre pour les femmes que l'on veut aider.

L'établissement de critères de choix de villages d'implantation de moulins, adaptés aux spécificités des zones d'intervention, est donc un préalable indispensable au lancement de tout programme d'installation de moulins. Les principaux critères qui devraient être pris en compte dans le choix des villages sont discutés ci-dessous. Il ne s'agit pas ici de dresser une liste exhaustive; d'autres critères peuvent valablement être ajoutés selon les spécificités des zones d'intervention

Deux objectifs devraient être visés dans l'établissement de critères: d'une part assurer des apports céréaliers quantitativement suffisants afin de garantir un fonctionnement satisfaisant du moulin et d'autre part identifier les facteurs humains, sociaux et économiques susceptibles de faciliter l'insertion, voire la pérennité, des unités de transformation dans un milieu donné.

Afin de s'assurer que les critères définis sont véritablement appliqués, une enquête socio-économique du milieu d'implantation est à prévoir. Le choix définitif des villages serait fonction des résultats de cette enquête.

3.1. Une production céréalière importante

Une production céréalière importante de la microrégion d'implantation semble être une condition sine qua non à tout programme d'installation de moulins. A cet effet, en ce qui concerne le Sahel et les zones éco-climatiques similaires, la typologie suivante pourrait être utilement établie:

i) les régions chroniquement déficitaires en céréales;

ii) les zones qui ne sont ni excédentaires, ni déficitaires en céréales en période normale mais qui sont cependant assujetties à des manques cycliques de céréales liées à des sécheresses périodiques;

iii) les régions en général excédentaires en période normale.

3.1.1. Les premières régions - c'est-à-dire celles qui sont toujours déficitaires - ne semblent pas se prêter à un programme classique d'installation de moulins car ces derniers ne pourront fonctionner que pendant de très brèves périodes de l'année, même en dehors des sécheresses cycliques. Dans ces zones, des alternatives technologiques moins coûteuses du point de vue de Investissement initial ainsi que des coûts de fonctionnement, sont à envisager.

3.1.2. Les zones qui, en période normale, sont à peine autosuffisantes éprouvent d'énormes difficultés pour faire fonctionner les moulins pendant les périodes de sécheresse cyclique, Ainsi dans la région de Fada N'Gourma au Burkina Faso, le volume de mouture des moulins villageois mis en place dans le cadre d'un projet PFL de la FAO a baissé en moyenne de 45 pour cent en 1984, par rapport à une période normale, et au Mali les moulins PFL de la région de Dioïla et de Yorosso ont éprouvé une baisse d'environ 50 pour cent du volume de mouture. Dans les autres pays du Sahel, bien que l'on ne dispose pas de chiffres exacts, le même phénomène semble s'être produit.

Bien qu'il s'agisse de phénomènes cycliques, il faut tout de même les prendre en compte du fait de la dégradation constante du facteur climatique dans le Sahel. Il serait donc important que les seuils minimum de taille de village soient revus à la hausse pour prendre en compte la variable climatique (cf. 3.7. ci-dessous). Pour les petits villages situés dans ces zones, les alternatives technologiques préconisées cidessus seraient à envisager.

3.1.3. Par contre, les zones généralement excédentaires en céréales en période normale semblent justifier un programme d'installation de moulins, pourvu que les autres critères décrits ci-après soient réunis.

3.2. Les variétés culturales prédominantes

Le manque d'attention des variétés culturales prédominantes dans une zone donnée peut nuire a la réussite d'un programme moulins Ainsi, une zone à prédominance rizicole, avec des apports importants en légumineuses, ne semblerait pas justifier un tel programme car les apports céréaliers ne peuvent pas assurer un fonctionnement continu des unités de mouture,

Au Mali par exemple, dans la région de Baguinéda, le volume du chiffre d'affaires de certains moulins villageois est très réduit du fait que le riz et les haricots sont les variétés culturales prédominantes, le mil et le sorgho étant des cultures secondaires.

3.3. L'organisation de la production agricole d'une région

L'organisation de la production agricole d'une région peut remettre en question, du moins partiellement, un programme moulin. Ainsi dans les régions où la plupart des ménages se déplacent dans les "hameaux de culture" pendant la saison des pluies, il serait plus judicieux d'installer des petites décortiqueuses à céréales (cf. par. 1.2 note 2 cidessus) qui permettraient des déplacements plus espacés grâce au décorticage et à la mouture à sec.

3.4. Les habitudes alimentaires d'une région

Les habitudes alimentaires d'une région peuvent aussi entraver la réussite d'un programme moulins Ainsi, dans les régions sahéliennes où le décorticage préalable est requis pour la préparation du(des) plat(s) traditionnel(s), la mouture mécanique n'intéresse pas beaucoup les femmes, le décorticage étant, parmi les opérations de transformation, la tâche la plus pénible. Dans ces régions, priorité devrait être donnée à l'installation de petites décortiqueuses adaptées aux conditions du milieu.

3.5. L'absence d'un autre (ou plusieurs) moulin(s)

L'absence d'un autre (ou plusieurs) moulin(s) dans te village est aussi un critère important de choix des villages, ceci pour deux raisons: d'une part, l'existence d'un (ou des) moulin(s) entrave le fonctionnement du moulin villageois car les apports céréaliers seront partagés par les différentes unités, mais d'autre part, la duplication des équipements dans un village ne se justifie pas, compte tenu du fait que la majorité des villages ne jouit pas de la présence de ce type d'unité

3.6. Les disponibilités monétaires des femmes

Les disponibilités monétaires des femmes sont parmi les facteurs prédominants dans le choix du village d'implantation d'un moulin. La pratique courante étant que les femmes paient presque exclusivement pour l'usinage, une partie de l'étude socio-économique portera sur le recensement des activités économiques des femmes et de toute autre ressource monétaire de celles-ci, sur l'évaluation de leur importance, ainsi que sur l'identification des contraintes de tout ordre auxquelles le développement des activités économiques pourrait être confronté, ceci dans la double optique d'évaluer les disponibilités monétaires des femmes mais aussi d'essayer de déterminer les voies et moyens visant leur amélioration.

3.7. La taille du village d'implantation, la position du village par rapport aux villages limitrophes

La taille du village d'implantation, la position du village par rapport aux villages (et hameaux) limitrophes, la densité de peuplement des environs, ainsi que la présence d'un marché à même de drainer la population environnante sont autant d'éléments fondamentaux dans la garantie d'apports céréaliers

Ces facteurs, toutefois' ne peuvent pas être considérés isolément car la disponibilité céréalière, les pratiques culturales, mais surtout les disponibilités monétaires des femmes, peuvent contrebalancer, en partie, la dimension du village et de sa microrégion.

En outre, la détermination du seuil de population sera fonction, entre autres, du coût de l'investissement initial ainsi que de la détermination de la durée du plan de l'amortissement.

L'incidence du prix initial et de la durée de l'amortissement sur le montant des annuités ressort clairement dans le tableau 2 ci-dessous qui considère quatre variantes de coûts des équipements et trois alternatives d'amortissement. Le montant des annuités à prévoir pour l'amortissement peut ainsi varier du simple (152.613 F.CFA pour un équipement coûtant 800.000 F.CFA à amortir en 7 ans), à presque au triple (446.288 F. CFA pour un équipement coûtant 1.500.000 F.CFA à amortir en 4 ans) (cf. tableau 2).

Tableau 2. Montant des annuités pour l'amortissement (F.CFA)

Coût initial des équipements

DUREE DE L'AMORTISSEMENT

  4 ans 1/ 5 ans 6 ans 7 ans
800.000 238.020 198.070 171.593 152.813
1.000.000 297.525 247.588 214.491 191.016
1.200.000 357.030 297.104 257.389 229.219
1.500.000 446.288 371.380 321.736 286.524

1/ L'on suppose un taux d'intérêt du capital de 8,6 pour cent par an et des versements trimestriels. Ce taux, qui est inférieur aux taux commerciaux, est le plus couramment utilisé dans les programmes qui octroient des prêts aux groupements pour l'achat d'un moulin.

Le montant des apports céréaliers par an ainsi que le prix de la mouture devraient donc varier en fonction de l'importance des annuités à prévoir (cf. tableau 3).

Tableau 3. 1/: Analyse des coûts standard de fonctionnement d'un moulin (000 F.CFA)

Apports céréaliers/an 40 t 60 t 80
Hypothèse I 2/      
Chiffre d'affaires annuel 600 900 1.200
Coûts variables 3/ (30-40% du chiffre d'affaires) 180-240 270-360 360-480
Coûts fixes 4/ (30% du c.a) 180 270 360
Amortissement/bénéfices (40-30% du c.a.) 240-180 360-270 480-360
Hypothèse II      
Chiffre d'affaires annuel 800 1.200 1.600
Coûts variables (30-40% du c.a) 240-320 360-480 480-640
Coûts fixes (30% du c.a) 240 360 480
Amortissement/benéfices (40-30% du c.a.) 320-240 480-360 640-480

1/ Les données de ce tableau proviennent de l'analyse des comptes d'exploitation de plusieurs moulins sur des périodes assez longues. Le pourcentage du chiffre d'affaires prévu pour les coûts variables présume une gestion rigoureuse.
2/ L'hypothèse I. prévoit un prix de mouture par kilo égal à 15 F.CFA, tandis que dans l'hypothèse II ce coût s'élève à 20 F.CFA. En général, un prix de mouture plus élevé implique une fréquentation moindre de la part des femmes qui, le plus souvent, ont de faibles disponibilités monétaires
3/ Les coûts variables couvrent les coûts en carburant, lubrifiants, en pièces de rechange ainsi que les coûts divers.
4/ Les coûts fixes regroupent le salaire des meuniers(ères), un contrat d'entretien et les coûts de formation et de suivi.

Si l'on considère qu'en général 20 à 30 pour cent des ménages 14/ d'un village donné porte ses céréales à moudre au moulin chaque jour, et que les apports céréaliers des environs varient de 5 à 10 pour cent, il faudra un seuil minimal de 1200 habitants du village d'implantation et une population d'environ 500 habitants de la zone de drainage pour rentabiliser des équipements dont l'investissement initial varie entre 800,000 F.CFA et 1.000.000 pour un coût de mouture s'élevant à 15 F.CFA/kg moulu (cf. tableau 4).

Par contre pour des équipements plus chers, soit le seuil minimal de population du village d'implantation sera porté à 1500 habitants (et à 600 pour les habitants des zones environnantes), soit il faudra fixer le prix de la mouture à 20 F.CFA/kg moulu au minimum.

En effet, les seuils ci-dessus ne sont donnés qu'à titre indicatif et il faudrait les moduler en fonction des spécificités des zones. Ainsi, dans les zones assujetties à des sécheresses périodiques, afin de calculer des seuils de population, l'on ferait recours à des pourcentages d'utilisation moins élevés que ceux utilisés ici, par contre dans des zones où les disponibilités financières des femmes sont très importantes, les pourcentages de ménages utilisant les moulins seraient plus élevés.

3.8. Les facteurs sociaux

Parmi les facteurs sociaux qui semblent garantir le fonctionnement des moulins, trois seraient essentiels.

3.8.1. Le degré de structuration du milieu d'accueil, notamment un groupement viable de femmes dynamiques ayant des capacités d'organisation importantes, semble un préalable indispensable au choix d'un village d'implantation; l'on choisira de préférence des villages abritant un (ou des) groupement(s) structuré(s), viable(s), dynamique(s) et ayant déjà une expérience dans le domaine du travail et des réalisations collectifs.

3.8.2. Un intérêt réel des femmes et des hommes dans l'unité. est un autre facteur essentiel à la réussite d'un programme: une demande clairement exprimée par le milieu, ayant valeur d'engagement de la part de celuici, semble être un préalable indispensable à l'octroi de l'unité.

3.8.3. La représentativité du milieu d'accueil semble être aussi une garantie essentielle à l'insertion et à la survie de l'unité: l'octroi d'une unité à un groupement qui ne représente qu'une infime minorité des femmes d'un village donné risquerait d'être accaparé par cette minorité; des conflits dans le village concerné et la non-utilisation de l'unité de la part des populations non représentées en sont souvent les conséquences immédiates

Tableau 4. Guide à l'établissement des seuils de population pour le choix des villages d'implantation des moulins villageois

Population du village d'implantation No.ménages 1/ Pourcentage utilisant moulins Mènages utilisant moulins 2/ Apports 3/ journaliers (kg) Apports annuels 4/ (tonnes)
1200 200 20 40 100 33
    25 50 125 41,2
    30 60 150 49,5
des environs          
500 83 5 4 10 3,3
    10 8 20 6,6
du village d'implantation          
1500 250 20 50 125 41,25
    25 62 155 51,15
    30 75 187,5 61,87
des environs          
600 100 5 5 12,5 4,12
    10 10 25 8,25

1/ Moyenne de 6 personnes par ménage.
2/ L on suppose que le pourcentage d'utilisatrices du village d'im plantation du moulin soit plus élevé que celui des femmes des environs
3/ L'hypothèse retenue correspond à une moyenne d'apports de 2,5 kg/ménage/jour.
4/ Moyenne de 330 jours ouvrables de fonctionnement par an et de
6-5 heures de fonctionnement par jour.

3.9. Quant au choix des zones d'intervention

Quant au choix des zones d'intervention, il convient ici de souligner que les expériences de terrain démontrent la nécessité de choisir des zones relativement rapprochées entre elles ainsi que du siège du programme ou projet. Ceci du moins dans la phase de démarrage d'un programme d'installation de moulins, afin de permettre de moduler les interventions grâce à un suivi serré. L'extension du programme à d'autres zones plus éloignées ne saurait s'effectuer que dans une phase ultérieure, quand le programme sera bien rôdé et une fois que ses effets seront évalués.


IV. Le choix des unites de mouture

4.1. Les procédés de mouture

Il existe deux procédés de mouture mécanique:

i) une mouture par abrasion qui est effectuée par les moulins à meule: les grains, en passant entre deux surfaces abrasives - les meules , sont déchirés et écrasés

ii) une mouture par éclatement qui s'effectue avec les broyeurs à marteaux: ceux-ci, en déployant une force mécanique plus importante que celle de cohésion des céréales font éclater les particules de la matière à broyer

Une description du principe de fonctionnement de ces broyeurs fait l'objet de l 'Annexe I; les Annexes II et III, par contre, donnent une liste du matériel existant ainsi que les adresses des constructeurs.

4.2. Broyeurs à marteaux - moulins à meules

La comparaison entre les moulins à meules et les broyeurs à marteaux n'est pas aisée car des études comparatives poussées font éminemment défaut L'on indiquera ci-dessous les utilisations possibles de deux types de broyeurs, leurs avantages et inconvénients.

i) En général les moulins à meules - surtout ceux avec les meules en acier - semblent plus versatiles quant à la variété des produits que l'on peut moudre. En effet, tandis que le broyeur à marteaux permet la mouture de céréales sèches ou légèrement humides et de tous les produits secs non oléagineux, les moulins à meules permettent la mouture de tous les produits secs et légèrement humides (y compris l'arachide, le niébé, le soja et le grain germé pour la bière de mil).

ii) Les broyeurs à meules par contre semblent réagir mal aux mélanges de grains de calibres différents, mais l'on obtiendra difficilement la finesse de mouture d'un moulin à meules avec un broyeur à marteaux. Par contre le broyeur à marteaux permet une granulométrie homogène du produit broyé grâce au choix judicieux de la grille de tamisage.

iii) Un avantage du broyeur à marteaux est qu'il peut fonctionner à vide sans inconvénients mécaniques majeurs, et qu'il ne nécessite pas un réglage compliqué, tandis que l'équilibrage des meules est complexe et le travail à vide d'un moulin à meules entraîne l'usure prématurée de celles-ci

iv) Les inconvénients du broyeur à marteaux sont que son prix d'achat est plus élevé que celui du moulin à meules et qu'il nécessite des puissances développées par un moteur et une vitesse de rotation rapide (environ 3000 tours/mn) car la puissance absorbée à vide est très grande.

Par contre le moulin à meules peut fonctionner à des vitesses lentes et se prête éventuellement au recours d'autres forces motrices (manuelle, traction animale ou éolienne).

v) En général il semblerait que les coûts de fonctionnement (consommation spécifique en carburant et huile) des moulins à meules sont intérieurs à ceux des broyeurs à marteaux.


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